07 mars 2025,
Par Dr. Oussama MARGHENI.
Le Groupe d’action financière (GAFI) a publié ses Recommandations mises à jour, version février 2025, renforçant les normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (LBA), le financement du terrorisme (FT) et la lutte contre le financement de la prolifération (CFP).
Principaux points à retenir :
1-Renforcement de l’approche basée sur les risques (RBA)
• Les pays et les institutions financières doivent évaluer en continu les risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.
• Les risques liés au financement de la prolifération (associés aux armes de destruction massive) doivent désormais être explicitement évalués et atténués.
• Un accent accru est mis sur la prise de décision basée sur les données dans la gestion des risques.
2-Renforcement de la lutte contre la criminalité financière et la récupération des avoirs
• Identification, gel et confiscation renforcés des avoirs illicites, même en l’absence de condamnation judiciaire.
• Coopération transfrontalière améliorée pour les enquêtes sur le blanchiment d’argent, le terrorisme et le contournement des sanctions.
• Extension des mandats juridiques des régulateurs pour saisir les actifs liés aux cryptomonnaies utilisés dans des activités illicites.
3-Transparence accrue des entreprises et réglementation sur les bénéficiaires effectifs
• Exigences de divulgation plus strictes pour les entreprises et les trusts afin d’empêcher l’anonymat facilitant la criminalité financière.
• Mise en place de registres centralisés des bénéficiaires effectifs, accessibles aux régulateurs et aux cellules de renseignement financier (CRF).
• Restrictions supplémentaires sur les actions au porteur et les actionnaires désignés, qui compliquent l’identification des propriétaires réels.
4-Nouvelles normes pour les actifs virtuels et les technologies émergentes
• Le GAFI impose une surveillance plus stricte des prestataires de services d’actifs virtuels (VASP), alignant les règles de LBA pour les cryptomonnaies sur celles des institutions financières traditionnelles.
• Recommandation de contrôles de conformité basés sur les nouvelles technologies, notamment la surveillance via l’intelligence artificielle pour améliorer la détection des crimes financiers.
• Renforcement des réglementations sur les transactions transfrontalières en actifs virtuels afin de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement illicite via les cryptomonnaies.
5-Mesures élargies contre le financement du terrorisme et le contournement des sanctions
• Les pays doivent appliquer des sanctions financières ciblées pour prévenir le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive.
• Les organisations à but non lucratif (OBNL) doivent évaluer leurs risques de financement du terrorisme, tout en s’assurant que leurs activités légitimes ne soient pas affectées.
• Surveillance accrue des relations de correspondance bancaire pour éviter la facilitation des transactions illicites.
6-Renforcement de la coopération internationale et de l’entraide judiciaire
• Le GAFI appelle à un partage plus rapide des renseignements financiers transfrontaliers afin d’empêcher les criminels d’exploiter les failles réglementaires entre juridictions.
• Les pays doivent s’aligner sur les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies (UNSCR) concernant la lutte contre le financement du terrorisme et l’application des sanctions.
Recommandations du GAFI :
- Mettre en place une surveillance avancée des transactions en utilisant l’intelligence artificielle pour détecter plus efficacement les activités financières suspectes.
- Renforcer la conformité en matière de transparence des bénéficiaires effectifs.
- Améliorer la coordination transfrontalière en matière de LBA/FT en favorisant les partenariats entre les institutions financières, les régulateurs et les autorités judiciaires.
- Assurer une supervision rigoureuse des actifs virtuels en appliquant la Travel Rule* du GAFI aux transactions en cryptomonnaies et en surveillant les risques liés à la finance décentralisée (DeFi).
Notre interprétation
Les mises à jour récentes des recommandations du GAFI en février 2025 témoignent d’une volonté accrue de renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive. L’accent mis sur la transparence des bénéficiaires effectifs, la surveillance des actifs virtuels et la coopération internationale répond aux défis croissants liés à la digitalisation des flux financiers et aux stratégies sophistiquées des criminels. Toutefois, ces évolutions exigent des institutions financières, des régulateurs et des entreprises une adaptation constante pour garantir une conformité efficace. Paradoxalement, atténuer les risques liés aux nouvelles technologies passe par l’adoption de ces mêmes technologies : l’intelligence artificielle, l’analyse avancée des données et les solutions de surveillance automatisées deviennent ainsi des outils indispensables pour anticiper, détecter et contrer les menaces émergentes sans freiner l’innovation légitime du secteur financier.
*Zoom sur la Travel Rule du GAFI
La Travel Rule (ou règle du voyage) est une exigence du GAFI qui impose aux prestataires de services d’actifs virtuels (VASP) de collecter et transmettre des informations sur l’expéditeur et le destinataire des transactions en cryptomonnaies. Cette mesure vise à empêcher les criminels et les terroristes d’exploiter l’anonymat des transactions en actifs numériques. Elle s’aligne sur les normes applicables aux transactions bancaires traditionnelles et permet aux autorités de tracer les flux financiers illicites à travers les juridictions.