Ecrit par Dr. Oussama MARGHENI, CEO Regrow.
Publié dans le magazine Entreprise Magazine, Numéro spécial finance 2018.
Le 04 novembre 2017, La Tunisie est classée juridiction à haut risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme par le GAFI. Le 05 décembre 2017, La Tunisie entre dans la liste noire européenne des paradis fiscaux. Le 06 décembre 2017, La Tunisie migre de la liste des pays à haut risques vers la liste des pays sous surveillance du GAFI. Le 13 décembre 2017, La Tunisie entre dans la liste européenne des pays tiers à haut risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Le 23 janvier 2018, la Tunisie est retirée de la liste noire européenne des paradis fiscaux. Le 23 février 2018, le GAFI félicite les efforts fournis et maintient le classement en tant que pays ayant des déficiences stratégiques dans son dispositif LAB/CFT…
Six classements si importants dans l’espace de quatre mois, et ce n’est qu’un aperçu du dynamisme que traverse le monde dans sa lutte contre l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive.
Un dynamisme dû aux crises financières de part et d’autres de la planète, ainsi les pays cherchent à optimiser leurs revenus fiscaux, mais surtout à la prolifération des activités criminelles et du terrorisme ne laissant personne à l’abri. Des phénomènes chiffrés avec des dimensions astronomiques si on regarde les chiffres officiels :
Selon le Conseil Européen, en 2016 l’évasion fiscale aurait couté 1000 milliards d’euros pour les 28 Etats de l’UE, et l’OCDE de 100 à 240 milliards d’euros au niveau mondial. Des manques à gagner qui valent plusieurs fois le PIB de pays ayant les économies les plus solides.
En ce qui concerne le terrorisme, rien qu’en 2016, ont eu lieu 13 400 actes terroristes, touchant 108 pays dans le monde, et causant la mort de 34 000 personnes dont 11 600 sont les acteurs de ces actes. Des chiffres affreux qui illustrent l’évolution du terrorisme dans le monde qui passe d’individus et de petits groupes pourchassés à des états indépendants et organisés.
Des phénomènes indissociables du blanchiment d’argent comme source de revenus ou comme financement.
La Tunisie, elle aussi, n’a pas été épargnée par ces cancers qui rangent sa sécurité et doublement son économie, directement par les manques à gagner et indirectement par le climat d’insécurité qui impacte les investissements et le tourisme. Sans oublier tous ces classements, dont nous avons cité ci-haut, qui constituent les facteurs qui conditionnent nos relations internationales.
Dans ce contexte si vaste qu’indivisible, associé au contexte spécifique de l’économie nationale, la Tunisie est obligée de mener sa propre bataille contre la délinquance financière et l’insécurité sous toutes leurs formes.
La première arme de cette bataille est la réglementation, et la Tunisie ne manque pas de textes en vigueurs. La loi organique n°2015-26 du 7 août 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchiment d’argent qui définit le blanchiment d’argent et le terrorisme et son financement, interdit les relations d’affaires avec les personnes et les entités concernées. La circulaire n°2017-08 du 19 septembre 2017 de la Banque Centrale de Tunisie fixant les Règles de contrôle interne pour la gestion du risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme dans les banques et les établissement financiers ; Son équivalente du Comité Général des Assurances n°2016-02 qui visent les compagnies d’assurances, les compagnies de réassurances et les courtier, et celle du Conseil du Marché Financier du 19 janvier 2017 abrogée le 06 mars 2018 régissant les intermédiaires en bourse et les sociétés de gestion de portefeuilles de valeurs mobilières pour le compte de tiers ; Une batterie de circulaires qui couvrent l’ensemble du secteur financier lui imposant l’identification des risques liés aux relations d’affaires et exigent des mesures de vigilance adéquates selon le niveau de risque, et par suite l’application d’un profilage continue de toutes opérations et transactions effectuée afin d’identifier tout comportement qui peut être en relation avec du blanchiment d’argent ou du financement du terrorisme afin de le déclarer à la Commission Tunisienne des Analyse Financière (CTAF). La CTAF dont l’organisation et les modalités de fonctionnement sont fixés par le Décret n°2016-1098 du 15 août 2016.
Si la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme se focalise en premier lieu sur le secteur financier, c’est parce qu’il est toujours la cible privilégiée et généralement inévitable des fraudeurs, blanchisseurs et terroristes qui s’en servent pour véhiculer des fonds ou légitimer des revenus qui rejoignent par la suite les canaux financiers communs et circulent d’une façon plus qu’ordinaire perdant toute trace les mettant en doute. Et en dépit de la richesse de la réglementation tunisienne en la matière, le secteur financier tunisien roule à plusieurs vitesses dans cette lutte. Au moment ou presque la totalité des banques ont mis en place leurs dispositifs LAB/CFT avec toutes ses composantes organisationnelle et logicielle, les compagnies d’assurances sont encore dans une phase de réflexion sur l’approche à suivre, entre approches individuelle ou collective, et entre des fournisseurs étranger ou tunisien, et à cette phases entrent d’autres facteurs en jeux, entre les compétences des fournisseurs, les couts, les réserves nationales en devises, etc. Les intermédiaires en bourses viennent aussi de rejoindre le mouvement, mais avec une vitesse encore plus lente.
Un décalage de phase expliqué essentiellement par l’obligation internationale qui se propage directement aux banques, vue la nature transfrontalière de leurs activités, à travers leur correspondants étrangers qui sont très strictes en ce qui concerne la conformité règlementaires aux normes du GAFI, ou aux directives européennes et qui leurs exigent de s’assurer de la conformité de leurs correspondant. Pareillement pour les compagnies d’assurances qui verront bientôt leurs dispositifs LAB/CFT évalués par les réassureurs étrangers.
Face à ces exigences internationales découlant des régulateurs ou des partenaires d’affaires, les autorités de tutelles tunisiennes, en plus de la règlementations, ont aussi suivi des approches de sensibilisation, de formation et de contrôle, à l’image de la Fédération Tunisienne des Sociétés d’Assurances qui a organisé plusieurs actions de sensibilisation et de formation en faveurs de l’ensemble du secteur des assurances, et nous citons à titre la journée co-organisé avec Vneuron qui était d’un grand apport aux assureurs tunisiens en connaissances et en solutions technologiques indispensables pour mener à bien cette mission. D’autre part, le CGA entamera son contrôle des compagnies d’assurances juin prochain pour contrôler leur conformité en LAB/CFT. Pendant ce temps des assureurs avant-gardistes ont pris le choix d’autonomie totale, et on acquit des solutions de Risk Management, de KYC et AML, à l’image de GAT Assurances qui est déjà avancée dans son chantier de mise en place de la suite logicielle Vneuron ReisTM Risk & Compliance Suite, d’autres attendent toujours des actions collectives espérant ainsi réduire leurs couts ou au moins gagner du temps, et d’autres cherchent des solutions partielles offrant une conformité minimale qu’ils espèrent suffisante face au contrôles de l’autorité de tutelle.
Un contexte global si dynamique, et un contexte local qui nécessite une implication totale de tous les intervenants allant des régulateurs et autorités de tutelle au différents acteurs du secteurs financiers des banques, assurances, intermédiaires en bourses et tout autre établissement financier, et passant par les entreprises tunisiennes de Fintech et Regtech, et de conseil qui fourniront l’expertise et le savoir-faire primordial et les solutions technologiques nécessaires. Une chose est certaine, nous avons bien une autosuffisance en expertises et en technologies pour bien mener et gagner notre bataille de LAB/CFT et sortir notre pays de ces blacklists. La Tunisie qui exporte ses compétences et ses services à tous les pays du monde, ne manque pas de personnes capables de mettre au point des progiciels Regtech à la pointe de la technologie qui n’ont rien à envier aux meilleurs éditeurs mondiaux. Mieux encore, des progiciels développés sur mesure pour s’adapter aux spécificités réglementaire, culturelle et même linguistique de la Tunisie garantissant ainsi plus de fiabilité et de meilleurs résultats que les outils les plus célèbre à l’échelle internationale.